Auteur-compositeur-interprète au talent protéiforme, pianiste capable d’emportement comme de douceur, directeur artistique de plusieurs de ses clips et spectacles, icône de mode et féru d’art, Pierre Lapointe a laissé une empreinte de géant dans le paysage musical québécois en moins de deux décennies. Après qu’il eut remporté le Festival international de la chanson de Granby à 20 ans, en 2001, les choses ont déboulé, entre un album au succès phénoménal (La forêt des mal-aimés, 2006) et une campagne de séduction massive du côté de l’Hexagone. Les fans sont sous le charme de sa chanson française drapée d’arrangements orchestraux, mais aussi de son refus du banal et de l’attendu. Pour surprendre, le natif d’Alma déshabille parfois ses pièces afin d’en révéler la puissante charge émotive (Seul au piano, 2011), ou fait des détours en terres pop (Punkt, 2013) ou rock garage yéyé (Ton corps est déjà froid, 2018). Un album d’airs de Noël originaux qu’on a envie d’écouter à longueur d’année? Aucun problème, voici Chansons hivernales (2020). Influencé par le plasticien Jeff Koons autant que par Léo Ferré, l’artiste aux nombreux Félix s’inscrit entre avant-garde et pop, se voyant longtemps tenu à l’écart des radios mais prenant une douce revanche en devenant coach à La Voix. Sous ses allures d’excentrique qui s’éclate, on sent une âme écorchée, dotée d’une sensibilité exacerbée. La vie et l’amour sont magnifiques, mais sont aussi une torture, souligne-t-il souvent dans ses paroles imagées au souffle impressionnant. Qui d’autre aurait pu nous faire danser « Au bar des suicidés »?