« J’entends des gens dire : “Skepta est de retour! Skepta est de retour!” De retour? Tu ne sais pas ce que je viens juste de faire? J’ai composé des chansons plus grandes que l’humanité. » Comme il l’a clairement exprimé à l’animatrice de Beats 1 Julie Adenuga, qui est aussi sa sœur, il ne voulait laisser planer aucun doute sur son sérieux. Ce cinquième album va droit au but et nous dévoile sur « Redrum » la rage silencieuse qui l’anime : « Everyone wants to be my archnemesis » (Librement : « Tout le monde veut être mon ennemi juré »). Il s’en prend au monde entier, et le résultat est palpitant.C’est au jour de l’An 2019 qu’il a commencé à travailler sur le successeur de Konnichiwa, son album couronné du Mercury Prize qui a cimenté son statut de légende. « J’ai arrêté de fumer cette année », dit-il. « Tous mes amis fument, mais j’avais simplement besoin de m’enfermer dans mon studio. J’étais dans mon propre monde psychédélique pendant la création de cet album. » Cette détermination est palpable dans les solides pièces sans compromis qu’on trouve sur Ignorance Is Bliss. L’abandon frénétique dont il faisait preuve dans ses premiers succès est pratiquement disparu, remplacé par quelque chose d’encore plus satisfaisant et de parfaitement approprié pour un artiste de sa trempe. Le grime, qui a connu une renaissance au début des années 2010, a depuis évolué de façon imprévisible et gagné en maturité, tout comme le MC champion du genre. On retrouve ici chaos et espiègleries, sans parler d’un échantillon de Sophie Ellis-Bextor, mais détrompez-vous : cet album demeure celui d’un homme mûr et réfléchi. L’artiste se décrit comme une cible sur plusieurs de ses pièces, mais ce qui ressort au final, c’est qu’il est trop intelligent, déterminé et talentueux pour être la victime de qui que ce soit.