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Courts propos improvisés et quotidiens,

A propos de tout et de rien.

Improvisations (le podcast‪)‬ Aldor

    • Society & Culture

Courts propos improvisés et quotidiens,

A propos de tout et de rien.

    Le pouvoir et l’autorité

    Le pouvoir et l’autorité

    Un pochoir de la regrettée Miss Tic, je ne sais plus très bien où dans le Ve arrondissement de Paris































    Lors du beau discours qu’il prononça avant-hier à l’occasion de son départ en inactivité, pour utiliser la formule officiellement employée dans la branche où je travaille, Laurent souligna la différence qu’il convenait de faire entre l’autorité et le pouvoir ; l’autorité, qui émane de la personne, et qui s’appuie sur des  connaissances, des compétences, des qualités particulières, à laquelle on se rallie et obéit comme naturellement, parce qu’on sent et sait qu’elle est fondée, qu’elle est légitime ; et le pouvoir, qui est donné à une personne par autrui, qui est question de hiérarchie, de puissance, de normes, de droits, de discipline, de préférence, d’âge et parfois de sexe, le pouvoir dont l’existence est nécessaire mais qui n’est pas sui generis, pour parler ce latin dont il fut également question.







    Il n’est pas toujours nécessaire que le pouvoir s’accompagne d’autorité. Il y a bien des cas dans lesquels des décisions sont nécessaires mais où le sens de la décision importe en fait beaucoup moins que sa factualité : l’important n’est pas de savoir où l’on va,  c’est d’aller quelque part et de sortir de l’indécision. Mais le plus souvent, il est bon que le pouvoir et l’autorité coïncident, que les deux convergent et s’incarnent même dans les mêmes personnes.







    Mon point (et c’est à cela que me faisaient penser les propos de Laurent) ; mon point est celui de la prévalence : l’autorité, comme l’amour j’y pense maintenant, est un sentiment (le mot n’est pas bon mais je ne sais pas trop comment qualifier ce genre de choses) discret, au sens mathématique du terme : il existe, s’exprime et se constate dans l’immédiat et dans la proximité immédiate, dans la présence et dans l’action. Toute tentative de non pas l’exercer directement mais de s’en prévaloir le réduit en fumée comme les consignes initiales de Mission impossible. Se prévaloir de son amour ou de son autorité (je veux dire : s’en prévaloir sans en faire preuve au même instant), c’est le ou la détruire, à jamais.







    Or de même que la mauvaise monnaie chasse la bonne, il arrive que les personnes qui disposaient d’autorité et à qui le pouvoir a en conséquence été confié, soient progressivement gangrenées par ce pouvoir et les responsabilités qui vont avec. C’est la dérive de l’argument d’autorité, par lequel on se prévaut de l’autorité au lieu de l’exercer et qui pour cela, en dépit de son nom, est l’archétype de l’abus de pouvoir.







    C’est pourquoi j’aime bien, en dépit de ses nombreux défauts, cette démocratie athénienne avec ses mandats courts et parfois tirés au sort. Il est judicieux de mettre tout en oeuvre pour éviter que l’autorité ne se dégrade en pouvoir.

    • 3 min
    Des animaux ! Des choses !

    Des animaux ! Des choses !

    Les êtres, humains mais aussi animaux, les êtres humains comme les autres animaux, ne sont interchangeables que pour celles et ceux qui les veulent interchangeables, qui les rendent et les font interchangeables en les réduisant à cette petite part d’eux-mêmes qui est effectivement interchangeable, ou qui peut le devenir, par l’effort et la discipline. Ils sont rendus interchangeables par le regard armé de ceux qui, voulant les utiliser, les exploiter comme des choses, les considèrent d’avance comme des choses.







    C’est le regard intéressé, instrumental, de celles et ceux qui ont choisi de s’en servir, qui rend les êtres interchangeables, qui les réduit pornographiquement à cette partie de corps, à ce geste toujours répété, à cette compétence unique, cette caractéristique particulière mais tellement limitée qu’elle est effectivement, au bout du compte, reproductible. Car c’est absolument vrai : pour qui a décidé de ne voir en nous  que cela, nous sommes toujours et absolument remplaçables, toujours interchangeables, jamais uniques : “un de perdu, dix de retrouvés”, comme me le dit un jour Katia, à qui il arriva d’être plus perspicace, et aussi plus subtile dans la compréhension profonde des mots qu’elle prononçait.







    Mais je m’égare. Ce que je dis, ce que je veux dire, ce que je voulais dire pour parler comme les personnages de Lagarce, c’est que le regard réducteur, ce regard qui, comme celui de la Méduse, réduit les êtres en choses, en pauvres choses interchangeables, n’est pas seulement celui du fordisme, du capitaine d’industrie moderne qui, pour produire à la chaîne et en grande série, a besoin d’une main-d’œuvre elle-même taylorisée, elle-même enchaînée, réduite à l’état de machine et produite en série ; qu’il n’est pas seulement non plus le regard du maître (de la maîtresse) qui, pour asservir et dominer, a besoin d’une masse apeurée, rendue servile par la crainte d’être remplacée, de perdre son emploi, ses revenus, ses moyens de vivre : ce regard réducteur, ce regard pétrifiant est aussi celui de celle (de celui) qui ne peut accomplir sa mauvaise action, qui ne peut traiter les êtres comme il le fait, qu’à condition de ne plus voir en eux que des choses, des choses qu’il devient donc possible de traiter comme telles. Car sinon, il (elle) ne pourrait pas, ne pourrait pas ainsi agir, ne pourrait pas surmonter sa peur, son désespoir, son dégoût de soi-même.







    Il faut, pour surmonter la nausée qu’engendre cette instrumentalisation, cette exploitation, et parfois pire, bien pire,  d’autres êtres humains, d’autres êtres vivants ; il faut rompre le lien, le lien qui avec eux existe et nous porte à les secourir. Il faut rompre le lien et lui substituer l’indifférence née de la différence : nous ne sommes pas pareils, et comme je suis un être humain, un être vivant, vous ne l’êtes sans doute pas ; et c’est pourquoi je puis faire de vous des choses, ces choses que vous êtes déjà.







    Ces choses que vous êtes déjà parce que j’ai abdiqué de mon humanité.

    • 4 min
    Le simple et le sophistiqué

    Le simple et le sophistiqué

    Le phare et la baleine (mais ça n’est pas vraiment le phare de Porquerolles)































    Le phare de Porquerolles, qui ressemble plutôt à une casemate, est assis à l’extrême sud de l’île, sur une falaise dressée au dessus de la mer. Et le jeu, lorsqu’on en revient, est de se laisser aller à la pente, et de retarder autant que possible le moment où l’on pédalera à nouveau.







    Je joue à ce même jeu, si simple et si plaisant, quand, ayant traversé Paris, je m’enfonce sous terre, le matin, pour rejoindre le deuxième sous-sol du parking où, au bureau, je range mon vélo. J’arrête de pédaler et vois jusqu’où cela me conduit.







    Et puis il y a le théâtre Nô, découvert avec Constance et Sabrina, ce spectacle tellement complexe, tellement codifié, tellement sophistiqué ; cette pièce dont je n’ai probablement pratiquement rien saisi parce que l’essentiel ne passait pas par les mots, qui étaient traduits, mais par le reste, que je ne saisissais même pas. Et la gourmandise qu’on éprouve devant cette montagne de règles qu’il faudra assimiler pour pouvoir apprécier.







    Je reste ébahi par la profondeur, la diversité, l’étendue de nos goûts, que nous partageons probablement avec beaucoup d’autres animaux, qui nous font aimer et rechercher à la fois des choses très simples, très sobres, très pures ; et d’autres très sophistiquées, très complexes, pleines d’arabesques, de double-fonds et parfois de perversités. Ici comme en tant d’autres domaines, nous tenons et voulons tenir les deux bouts ; non pas seulement ceci ou cela mais simultanément ceci et cela, simultanément l’un et l’autre, le tout et son contraire ; et toujours si rapidement blasés, si vivement fatigués, aussi grand et puissant qu’ait été notre plaisir, toujours ce désir d’en changer qui survient et fait de nous des êtres sinon tout à fait insatiables (car nous pouvons nous rassasier), du moins toujours tremblants, toujours espérant, toujours en désir, des êtres toujours tournoyant et en attente, comme le faisceau de la lumière des phares qui jamais ne nous laisse paisibles, jamais ne nous laisse comblés à jamais.

    • 3 min
    “Vous vous étiez servi simplement de vos armes”

    “Vous vous étiez servi simplement de vos armes”

    (c) Sarah Meyssonnier/AFP































    L’Affiche rouge, dans la version interprétée par Léo Ferré, a bercé mon enfance, mon adolescence, ma jeunesse et le reste. Je l’ai  chantée des milliers de fois et l’ai (shame on me, eu égard au sujet !) largement utilisée pour, les yeux dans les étoiles et la voix tirant sur les basses, conter fleurette et parfois plus aux jeunes filles qui étaient à mes côtés. Dans le répertoire d’Aragon, que je connais assez bien, elle était en effet beaucoup plus facile à chanter que d’autres, “Il n’aurait fallu“, par exemple, très belle et certainement plus appropriée aux fins qui étaient les miennes, mais qui avait l’inconvénient d’exiger une tessiture que je n’ai pas.







    Tout cela pour dire que L’affiche rouge, je la connais bien.







    Et depuis toujours, mais cela m’est brusquement revenu ces temps derniers  tandis que partout on l’entend (ce qui me cause un grand plaisir) ; depuis toujours m’étonne et me choque le quatrième vers de la première strophe, ce “Vous vous étiez servi simplement de vos armes” dont je comprends bien qu’il est essentiellement là pour faire rime avec le premier vers mais qui, hormis cela (qui est important, ça n’est pas ce que je veux dire) n’a pas grand sens et fait plutôt bizarre, si ce n’est même franchement tache. Car que signifie, que peut bien signifier, quand on parle d’un groupe de résistants dont l’action consistait à se battre, et justement avec des armes ; que peut bien signifier cet étrange : “se servir simplement de ses armes ?”.







    Voilà, c’était la question du jour, soumise à  la sagacité collective de tous ceux qui, comme moi, ont longuement chanté ce texte. Mais c’était surtout l’occasion de dire mon plaisir et ma fierté de voir Missak et Mélinée Manouchian conduits au Panthéon, que soient à cette occasion honorés ceux qui avaient combattu avec eux ; mon amour de Strophes pour se souvenir puisque tel était le nom originel de ce beau, si beau poème d’Aragon ; et le plaisir que j’eus à entendre la magnifique interprétation qu’en faisaient, sous la pluie qui tombait, Arthur Teboul et le groupe Feu ! Chatterton.

    • 2 min
    Trans

    Trans

    Hermaphrodite endormi © 2011 Musée du Louvre / Thierry Ollivier































    Dans le deuxième tome du Deuxième sexe, Beauvoir évoque longuement la puberté, ce moment où, dans le corps jusqu’alors asexué, la féminité éclot et se fait envahissante.







    Le tableau qu’elle dresse de cette transformation est tellement noir (les seins qui sont “un fardeau”, le corps qui est “hystérique “), qu’on imagine que si l’autrice avait été adolescente de nos jours et parmi nous, une dysphorie de genre lui aurait peut-être été diagnostiquée, la conduisant, ensuite, à opérer une transition. Et c’eût été bien dommage.







    Simone de Beauvoir, en effet, fut une femme. Et qu’elle n’ait pas présenté tous les traits habituellement prêtés à la féminité, qu’elle ait souffert, même, de certains attributs de cette féminité, ne change rien à l’affaire, pas plus que la douceur et la sensibilité d’un Rainer Maria Rilke ne mettent en cause sa masculinité. C’est probablement même dans son inconfort, son rejet partiel de la féminité qu’elle trouva l’inspiration et la force d’écrire ce monument du féminisme qu’est Le deuxième sexe. Mais c’est bien ancrée dans ce deuxième sexe, en tant que femme qu’elle jeta son regard novateur, singulier et critique sur la féminité, la condition féminine et la condition faite aux femmes. Jamais, probablement, ne lui serait venue l’idée de prétendre que femme, elle ne l’était pas. La femme que, selon la formule célèbre, on ne naît pas mais devient, ce n’est ni la femme en tant que sexe, ni la femme en tant que genre mais seulement “la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine”, la figure particulière qu’elle revêt à un moment donné et qui est propre à une civilisation, à un lieu, à un temps, à une condition historique donnée.







    C’est à faire éclater cette figure pour libérer les femmes du carcan dans lequel elles sont, notamment en cet Occident du XXème siècle, enfermées, que Beauvoir travaille ; mais son propos n’est pas de dissocier ou de prétendre que pourraient être dissociés le genre et le sexe. D’ailleurs, comme le soulignent Caroline Eliacheff et Céline Masson dans leur livre La fabrique de l’enfant-transgenre, il est “paradoxal d’affirmer que les organes sexuels ne définissent pas le genre et, a contrario, de vouloir les rendre adéquats au genre choisi, souscrivant ainsi à l’idée d’une représentation anatomique du genre”. Beauvoir ne combat pas pour que les femmes se libèrent de leur sexe mais pour élargir l’acception de la féminité que la société patriarcale a réduit à la portion congrue.







    Il existe certainement des cas dans lesquels sexe et genre sont dramatiquement désalignés. Il est heureux que pour ces cas là, il soit désormais possible de transitionner. Mais le vrai combat est inverse : non pas réduire la féminité et la masculinité à leurs caricatures mais faire qu’on puisse vivre pleinement son état de femme et d’homme sans coller aux stéréotypes, en assumant sa différence, ses côtés masculins aussi bien que féminins.

    • 3 min
    Ne pas oublier

    Ne pas oublier

    Il ne faut pas oublier, disent les rubans jaunes noués dans les rues de nos villes. Il ne faut pas se laisser mithridatiser par la quotidienneté du mal. Il faut conserver notre capacité d’indignation.







    Il ne faut pas oublier ces femmes et ces hommes de Gaza dont la vie est quotidiennement engloutie, déchirée, sous les bombes, les obus, les décombres, ou fracassée par la balle d’un sniper qui les a précisément visés. Ne pas oublier cette tuerie quotidienne qui se poursuit depuis des mois.







    Il ne faut pas oublier les otages du 7 octobre et celles et ceux qui, ce jour là, ont été assassinés, violées et meurtris.







    Il ne faut pas oublier la liste de tous ceux qui, sur ce pan de terre, les ont précédés dans un malheur qui ne commença pas le 7 octobre ; si longue, cette liste, qu’elle n’a pas de début, pas de première martyre, pas de premier coupable.







    Rien, de cela, ne doit être oublié.







    Rien, de cela, ne doit être oublié pour ne pas oublier, d’abord, les êtres qui sont là, qui sont là toujours vivants, toujours tremblants, toujours apeurés et blessés, et qu’il ne faut pas abandonner.







    Il faut ne pas oublier pour pouvoir rendre justice. Justice contre ceux qui ont commis ou commettent des crimes, contre ceux qui les y ont aidés, encouragés, couverts ; mais non vengeance contre les autres : les frères, les femmes, les enfants, les parents, les voisins ; rendre justice aux coupables et paix aux innocents, ce qui est aussi leur rendre justice.







    Il faut ne pas oublier pour être juste. Pour reconnaître qu’aussi effroyables soient les crimes commis par ceux que nous voulons juger, nous les aurions, en certaines circonstances, probablement commis nous-mêmes, comme ont commis des crimes semblables nos frères et soeurs de combat. Ne pas oublier qu’en chacun d’entre nous, et pas seulement dans le camp d’en face, gît une bête féroce qui parfois se réveille.







    Il faut aussi ne pas oublier l’histoire, l’histoire longue et tragique de ces combats qui se répètent, de ces massacres qui se répondent, de ces vengeances qui se nourrissent l’une l’autre. Ne pas l’oublier pour ne pas, une nouvelle fois, relancer la machine à carnages, pour avoir la force d’arrêter le déchaînement mortifère dont nul, jamais, ne sortira vainqueur. Ne pas oublier pour se donner une chance de passer à autre chose.







    Ne pas oublier, enfin, pour ne pas, par lassitude, pragmatisme et dégoût de nous-mêmes, sombrer dans l’indifférence, pour ne pas finir par accepter l’inacceptable.

    • 3 min

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