Blame My Ex

Blame My Ex

Les chansons de rupture sont une tradition bien établie, mais rares sont celles qui nomment des noms. Sur Blame My Ex – le deuxième album du quatuor indie rock torontois The Beaches –, la chanteuse et bassiste Jordan Miller n’a rien à cacher. Ça démarre sur les chapeaux de roue avec « Blame Brett », un insolent brûlot écrit après l’éclatement du couple qu’elle formait avec le chanteur de Glorious Sons, Brett Emmons. Si ce coup d’envoi présente un portrait coquin du « dating » post-séparation, le reste de Blame My Ex explore les ruines des relations amoureuses sous tous les angles possibles, des abîmes de la peine aux aventures d’un soir, en passant par la réappropriation de son indépendance. Depuis que The Beaches a lancé son premier album, Late Show (2017), le groupe a favorisé le format EP, mais comme l’a expliqué Miller à Apple Music, la vie après Brett exigeait une forme plus longue pour faire le tour de la question. « La musique a une durée de vie plus courte de nos jours à cause de TikTok, mais y a un je ne sais quoi de spécial quand on crée un projet de dix chansons », a-t-elle dit. « T’as plus de place pour raconter une histoire ou pour avoir un thème. Ça, c’est un album de rupture et c’était important pour nous que ça prenne cette forme pour que vous ayez beaucoup de contexte et plus de profondeur. » Et grâce aux « hooks » acérés de Lowell, qui a notamment écrit pour Charli XCX, et à la production new wave bien sentie de Gus Van Go (Metric, Arkells et tant d’autres), on pourrait dire de Blame My Ex que c’est l’album concept le plus concis et énergique de tous les temps. Jordan Miller et sa sœur, la guitariste Kylie Miller, nous proposent un survol de chacun des morceaux de ce cœur en miettes. Blame Brett Jordan Miller : « Si t’écoutes la chanson comme il faut, ça ne parle pas de notre séparation. J’étais à ma troisième sortie avec un gars – je ne dirai pas son nom, parce que c’était pas mal weird comme sortie! – et il m’a dit qu’il était amoureux de moi. J’étais comme : “Wow, c’est un peu trop tôt après cette séparation super difficile, je suis pas prête pour ça encore.” Bref, j’ai voulu écrire une chanson où je m’excuse auprès de tous mes futurs partenaires en disant : “Je vais agir en trou de cul pour un bout de temps, LOL, mais c’est pas ma faute, c’est la faute de mon ex!” Je pense que c’était l’idée de Lowell d’y aller avec “Blame Brett” parce que c’est une excellente allitération. En même temps, tout le monde était comme “Ouais, c’est drôle, mais tu devrais probablement lui demander la permission” et, évidemment, je l’ai fait. C’est sûr que j’ai encore un peu mal dans cette chanson, mais je ne cherchais pas à me venger, c’est juste un petit morceau espiègle. » What Doesn’t Kill You Makes You Paranoid J.M. : « On trouve de tout sur cet album. “Blame Brett” est un peu fofolle, mais celle-ci est beaucoup plus terre à terre et honnête. Je m’exprime au sujet des peines d’amour. L’inspiration m’est venue quand j’ai commencé à aller dans des partys et à socialiser sans mon chum. J’étais comme : “Mais qui suis-je sans lui? Je sais même pas de quoi parler.” Bref, je me suis mise à faire de l’anxiété sociale et ç’a été un sale choc de me sentir comme ça parce que j’ai toujours été sûre de moi et extrovertie. Heureusement, plus les gens écoutent cette chanson, plus je comprends que c’est tout à fait normal comme réaction après une séparation. » Me & Me J.M. : « Quand t’es une femme, en grandissant, tu te dis que la pire chose qui peut t’arriver est de finir seule, sans relation amoureuse. J’ai été inspirée par un épisode de Sex and the City [Sexe à New York] où Carrie est seule et sirote un verre de vin emmitouflée dans un pashmina et ça m’a parlé, elle avait l’air très bien et heureuse. À mesure que je me sentais mieux avec moi-même, j’ai commencé à vraiment aimer sortir au resto ou au cinéma en solo. Ça m’a redonné espoir : si je ne retrouve pas l’amour de ma vie, je sais au moins que je pourrai trouver mon bonheur dans mes ami·es et mes aventures, et aussi avec moi-même simplement en étant bien seule. » Everything Is Boring Kylie Miller : « Jordan est tout le temps en train de parler de trucs historiques et, la plupart du temps, ça n’intéresse juste pas les autres filles du groupe. Elle est comme : “Mon Dieu que vous êtes plates, vous avez rien à dire! J’ai pas envie de parler encore de TikTok.” Y a pas de doute que ma sœur est une vieille âme qui est attirée par des choses très différentes par rapport aux autres jeunes femmes de son âge, ce qui fait qu’elle a de la difficulté à s’identifier à elles. Je pense que cette chanson vient de tout ça : Jordan, dans un party, qui se sent complètement à part de tout le monde parce qu’elle est tellement intelligente! » My Body ft Your Lips J.M. : « Je suis super contente d’avoir fait ça en duo [avec Nick Santino de Beach Weather]. La personne qui a servi d’inspiration pour ce morceau vivait aussi une séparation quand on a commencé à se fréquenter, et le fait de faire un duo me fait moins passer pour une pas fine étant donné qu’elle parle de deux âmes qui trouvent un peu de réconfort dans une expérience sexuelle au lieu qu’il y en ait une des deux qui se sente utilisée. Nick a fait un super travail. » Kismet J.M. : « Celle-là date d’avant ma séparation; j’étais à Nashville et j’avais une solide gueule de bois. J’ai toujours aimé le mot “kismet” [“destin”] et j’adore les comédies romantiques. Je me suis dit que j’allais écrire un texte qui est comme un “meet-cute” [scène dans ce genre de films où le futur couple se croise pour la première fois]. Dans le contexte d’un album de séparation, ça peut être la chanson où tu rencontres la prochaine personne qui te donnera des papillons dans le ventre. C’était nécessaire parce que ça allège le ton un peu avant de continuer vers certaines pièces plus tristes qui s’en viennent. » Shower Beer K.M. : « Celle-là parle du besoin de sortir juste parce que t’as le FOMO [“fear of missing out”, une forme d’anxiété provoquée par la peur de passer à côté de quelque chose] dans le tapis; c’est quelque chose dont on souffre toutes les deux, Jordan et moi. On a écrit celle-là avant la séparation et y a fallu qu’on change les paroles, parce qu’au départ ça disait “Brett, can you wash my hair?” [“peux-tu laver mes cheveux?”] et on a changé pour “Babe, can you wash my hair” pour qu’elle soit quand même à sa place sur l’album. » J.M. : « Je crois qu’on peut reconnaître nos fautes quand on écrit des chansons. La personne dans ce texte sait que sa relation amoureuse tire à sa fin, mais elle évite d’être chez elle et sort tous les soirs comme si ça allait faire disparaître ses problèmes. C’est intéressant d’écouter les trucs que t’as écrits dans un moment charnière de ta vie et là, tu te dis : “Wow! On dirait bien que c’est ça que je ressentais…” » Edge of the Earth J.M. : « C’est la seule chanson qui n’est pas à propos de moi. Elle parle de [la claviériste] Leandra [Earl] et de celle qui est maintenant son ex-blonde. Elles avaient une relation très intense et passionnelle. C’était aussi très important pour Leandra et moi, étant donné qu’on est toutes les deux queers, d’inclure des histoires queers sur l’album. Je suis ouvertement queer depuis des années, mais ça fait juste deux ou trois ans que Leandra a fait son “coming out” et ça crée une forte connexion entre elle et un grand nombre de nos fans, qui nous ont demandé pourquoi on n’en avait pas encore parlé dans nos chansons. » If A Tree Falls J.M. : « Quand j’ai écrit celle-là, je ne m’attendais pas à être aussi en contact avec la douleur que je ressentais durant cette expérience. D’habitude, je suis le genre de personne qui l’évite ou en rit, mais cette chanson parle de la dissolution de ma relation et de mon sentiment d’avoir été trahie et laissée pour compte. J’avais besoin de prendre cette souffrance à bras-le-corps; c’est la seule façon de passer à autre chose quand t’as été profondément blessée. C’était super important qu’elle soit sur l’album parce qu’elle apporte du contexte à tout le reste. Je voulais aussi que ma performance vocale reproduise parfaitement cette douleur vive, alors j’avais collé plein de petites notes qui disaient des trucs comme “J’aime encore Brett” un peu partout dans le studio; comme ça, quand je les voyais, je replongeais au plus profond de ces émotions pour me torturer. C’est une des chansons les plus importantes que j’ai écrites de toute ma vie parce qu’il n’y a aucune fausse apparence, c’est la vérité pure et dure. Y a pas de petite blague ou d’ironie. C’est rien d’autre que l’expression d’une peine profonde. » Cigarette J.M. : « Je voulais pas finir l’album sur une note triste, il fallait que ce soit plein d’espoir et c’est ça que “Cigarette” représente pour moi. Ça raconte simplement la rencontre de quelqu’un de super intéressant – dans ce cas-ci une skateboardeuse vraiment cool – qui t’excite, te redonne espoir et fait battre ton petit cœur. »

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